Page:Zola - Fécondité.djvu/143

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n’est-ce pas, madame  ? Le médecin m’avait avertie que jamais plus je n’aurais de bon lait ; et, plutôt que de mal nourrir de pauvres petits, j’ai préféré leur être utile d’une autre manière.

— Et vous amenez des nourrices aux bureaux de Paris ?

— Oui, madame, deux fois par mois, à plusieurs bureaux, mais particulièrement à la maison Broquette, rue Roquépine. C’est une maison bien honnête, où l’on ne court pas le risque d’être trompé… Alors, si ça vous fait plaisir, je choisirai pour vous la meilleure de celles que j’aurai, comme qui dirait la fleur du panier. Je m’y connais, vous pouvez vous fier à moi.

Voyant que sa maîtresse ne se décidait pas, Céleste crut devoir intervenir, désireuse d’expliquer comment la Couteau était venue, ce matin-là.

— Quand elle retourne au pays, elle emporte presque toujours avec elle un nourrisson, l’enfant d’une nourrice, ou bien l’enfant de quelque ménage qui n’est pas assez riche pour payer une nourrice sur lieux, et le confie là-bas à une éleveuse. C’est comme ça qu’elle est montée me voir, tout à l’heure, avant d’aller prendre le petit de madame Menoux, qui est accouchée cette nuit.

Valentine eut une exclamation, et vivement :

— Ah ! la mercière est accouchée, et vous ne me le disiez pas… Voyons, parlez donc ! comment cela s’est-il passé ?

Cette madame Menoux était la femme d’un ancien soldat, beau gaillard, qui avait des appointements de cent cinquante francs par mois, comme gardien dans un musée. Elle l’adorait, elle avait eu l’idée vaillante de tenir une petite boutique de mercerie, où elle gagnait presque autant que lui ; de sorte que le ménage vivait à l’aise, très heureux.

Céleste, qui s’était fait gronder vingt fois, pour les