Page:Zola - Fécondité.djvu/146

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m’emportait ainsi mon enfant dans un pays inconnu, pour le donner à une autre femme.

Sans doute, la Couteau vit là une attaque personnelle. Elle prit l’air de bonne personne, tendre aux petits, dont elle leurrait les mères hésitantes.

— Oh ! Rougemont est un joli endroit. Puis, ce n’est pas loin de Bayeux, on n’est pas des sauvages tout de même. L’air y est si bon, qu’il y a des gens qui sont venus s’y guérir. Sans compter que les petiots qu’on nous confie, on les soigne bien, je vous en donne ma parole ! Faudrait être des sans-cœur pour ne pas les aimer, ces petits anges.

Mais elle se tut, en voyant de quelle façon Mathieu, toujours muet, la regardait à son tour. Peut-être, très fine sous son écorce rustique, comprit-elle que sa voix sonnait faux. À quoi bon, d’ailleurs, son boniment habituel sur le pays, puisque cette dame désirait simplement une nourrice sur lieu ? Et elle reprit de nouveau :

— Alors, c’est entendu, madame, je vous amènerai tout ce que nous avons de mieux, une vraie perle.

Valentine, qui semblait en être restée aux couches heureuses de madame Menoux, rassurée un peu par ce qu’elle regardait comme un bon présage pour elle, trouva la force de faire acte de volonté.

— Non, non, je ne veux pas m’engager à l’avance. J’enverrai visiter les nourrices que vous amènerez au bureau, et nous verrons si nous trouvons parmi elles celle que je désire.

Puis, sans s’occuper de cette femme davantage, la congédiant d’un geste, elle reprit sa conversation avec Marianne.

— Vous nourrirez encore celui qui va venir ?

— Certes, comme les autres. Vous savez que, mon mari et moi nous avons nos idées là-dessus. Il ne nous semblerait plus de nous, si une nourrice achevait de le mettre au monde.