Page:Zola - Fécondité.djvu/210

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être folle d’inquiétude, car je lui avais conté que je menais sa mère à la gare et que je serais de retour tout de suite. On m’a mis à la porte, on m’a dit que j’aurais peut-être une bonne surprise, en revenant ce matin, et je ne sais plus comment je suis rentré chez moi, et j’ai songé à vous pour m’aider, tellement je me suis senti incapable de retourner seul là-dedans… Mon Dieu ! mon Dieu ! ma pauvre femme, dans quel état allons-nous la trouver ? »

Maintenant, après s’être dévoré d’impatience, disant que le fiacre ne marchait pas, il était repris d’un frisson, à l’idée qu’il avançait, qu’il saurait bientôt. Il jetait sur les rues un regard d’anxiété croissante, il avait déjà sur les épaules le froid humide de la maison d’épouvante, comme s’il en eût senti l’approche.

— « Ah ! mon ami, ne me condamnez pas. Si vous saviez ce que je souffre ! »

Mathieu, ne pouvant trouver une parole, se contenta de lui prendre la main, de la serrer, longuement, dans la sienne. Et cette preuve affectueuse de commisération, de pardon, toucha aux larmes le pauvre homme.

— « Merci, merci ! »

Mais le fiacre s’arrêta, et Mathieu dit qu’il le gardait. D’ailleurs, Morange s’engouffrait dans la maison, il fallut que son compagnon se hâtât, pour le rejoindre. Ce fut d’abord, en quittant le gai soleil qui tiédissait la radieuse matinée, les demi-ténèbres de l’allée puante, aux murs lézardés et moisis. Puis, ce fut la cour verdâtre, pareille à un fond de citerne, et l’escalier gluant, empoisonné par les plombs, et la porte jaunâtre, que la crasse des mains avait noircie. Par les beaux temps, la maison suait plus encore son ignominie.

Au violent coup de sonnette, la petite bonne en tablier sale vint ouvrir. Mais, dès qu’elle eut reconnu le visiteur, et qu’elle le vit accompagné d’un ami, elle voulut les laisser tous deux dans l’étroite antichambre.