Page:Zola - Fécondité.djvu/269

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donner un autre, pour mieux le reconnaître un jour, si la fantaisie vous prenait de courir après. »

De nouveau, il fallut arracher la réponse à Norine.

— Bon Alexandre-Honoré. C’est le vôtre, ce petit nom-là, et le premier, n’est-ce pas ? c’est le petit nom du père… Voilà qui va bien, j’ai tout ce qu’il me faut. Seulement, il est déjà quatre heures, jamais je ne serai de retour pour mon train de six heures, si je ne prends pas une voiture. C’est au diable, là-bas, de l’autre côté du Luxembourg. Et une voiture, ça coûte… Comment devons-nous faire ? »

Tandis qu’elle se lamentait, pour voir si elle ne pourrait rien tirer de cette fille énervée de chagrin, Mathieu eut l’idée brusque d’aller jusqu’au bout de sa mission, en la conduisant lui-même aux Enfants-Assistés, afin d’être en mesure d’affirmer à Beauchêne que l’enfant y avait bien été déposé, en sa présence. Il lui déclara donc qu’il descendait avec elle prendre un fiacre, et qu’il la ramènerait.

« Je veux bien, moi, ça m’arrange… Allons-y ! C’est dommage de le réveiller, ce petiot, tant il dort de bon cœur ; mais, tout de même, il faut l’emballer, puisque c’est comme ça. »

De ses mains sèches, habituées à manier la marchandise, elle avait saisi l’enfant, peut-être avec un peu de rudesse, oubliant sa bonhomie câline, du moment qu’elle n’était chargée que de le porter à la concurrence. Il s’éveilla, se mit à crier violemment.

« Ah ! fichtre ! ça ne va pas être drôle, s’il nous fait cette musique dans le fiacre… Vite, filons ! »

Mais Mathieu l’arrêta encore.

« Norine, vous ne voulez donc pas l’embrasser ? »

Aux premiers cris, la triste fille s’était enfoncée davantage dans les draps, portant les mains à ses oreilles, bouleversée d’entendre.