Page:Zola - Fécondité.djvu/317

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m’étais donné la peine de choisir, n’avait de bon lait. Ensuite, en voilà une seconde qui a du bon lait, paraît-il, mais qui se soûle et qui étouffe l’enfant. Et ça va être le tour d’une troisième, quelque autre gredine qui achèvera de nous affoler et de nous manger… Non, non, c’est trop, je ne veux pas ! »

Valentine, calmée, devint agressive.

« Quoi ? qu’est-ce que tu ne veux pas ? Ça n’a pas de sens… Nous avons une enfant, il nous faut bien une nourrice. Toi-même, si j’avais parlé de la nourrir, tu m’aurais dit que c’était stupide. Ce serait alors qu’en me voyant toujours avec la petite dans les bras, tu trouverais la maison inhabitable. Et puis, je ne veux pas nourrir, je ne peux pas… Comme tu le dis, nous allons prendre une troisième nourrice, c’est bien simple, et tout de suite, au petit bonheur. »

Il s’était brusquement arrêté devant Andrée, qui, inquiète de cette grande ombre, se mit à crier. Peut-être ne la voyait-il pas, dans le flot de sang dont la colère l’aveuglait, pas plus qu’il ne dut voir Gaston et Lucie, accourant au bruit des voix, cloués dès la porte, de curiosité et de crainte ; et, personne ne songeant à les renvoyer, ils restèrent là, ils virent et entendirent.

« La voiture nous attend en bas, reprit Séguin d’un ton qu’il s’efforçait de rendre calme. Dépêchons-nous, partons. » Stupéfaite, Valentine le regarda.

« Voyons, sois raisonnable. Est-ce que je puis quitter cette enfant, n’ayant personne à qui la confier ?

— La voiture nous attend en bas, répéta-t-il, frémissant. Partons vite. »

Et, comme, cette fois, sa femme se contentait de hausser les épaules, il devint fou, une de ces crises de subite folie qui le jetaient aux violences dernières, même lorsque du monde était là, étalant alors avec rage la plaie empoisonnée