Page:Zola - Fécondité.djvu/352

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L’autorité de Santerre restait intacte, pour lui ; et Valentine se contenta de hausser doucement les épaules ; tandis que les personnes présentes, un peu gênées, s’étaient mises à regarder Gaston et, Lucie, qui, en effet, au milieu des autres enfants, s’essoufflaient vite, demeuraient en arrière, défiants et revêches.

« Chère amie, demanda Constance à Valentine, est-ce que notre bon docteur Boutan ne vous a pas dit que tout le mal venait de ce que vous n’avez pas nourri vos enfants vous-même ? Moi, il m’a mis ce compliment dans la main. »

Au nom de Boutan, un haro amical s’était élevé. Oh ! Boutan ! Boutan ! il était comme tous les spécialistes. Séguin ricana, Beauchêne plaisanta sur l’allaitement maternel obligatoire, décrété par les Chambres. Et il n’y eut que Mathieu et Marianne qui se turent.

« Naturellement, chère amie, reprit Constance, en se tournant vers cette dernière, ce n’est pas vous que nous plaisantons. Et d’ailleurs, vos enfants sont en effet superbes, personne ne dit le contraire. »

Marianne, égayée, eut un geste comme pour répondre qu’on pouvait la plaisanter, qu’elle serait contente d’être un sujet de joie. Mais, à ce moment, elle s’aperçut que Gervais, profitant de son inattention, fouillait son corsage, cherchait le paradis perdu. Et elle le remit par terre.

« Ah ! non, non, monsieur ! je vous ai dit que c’était fini… Vous voyez bien qu’on rirait de nous. »

Et ce qui advint alors fut délicieux. Attendri, Mathieu regardait Marianne. Elle lui revenait donc, le devoir accompli, ayant achevé de mettre au monde l’enfant, en le nourrissant de sa chair. C’était l’épouse, l’amoureuse au réveil, redevenue femme, avec la sensation si gaie du sevrage, un printemps nouveau, une terre nouvelle reposée, une fois encore frémissante de fécondité.