Page:Zola - Fécondité.djvu/360

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de perdre ma tranquillité, qui me rend aussi lâche que les autres. »

Elle continua, avec son beau calme, donnant à entendre que, si elle avait eu des curiosités perverses, désireuse de goûter à tous les amours, elle s’en était vite écartée, comme de bagatelles, de joujoux sans conséquence, qui la laissaient irritée, affamée davantage. Et toujours elle en était revenue à l’homme, à l’acte normal, mais à pleins bras, d’un appétit d’ogresse, que ne pouvaient assouvir que les puissantes étreintes, totales, sans fin. Aussi était-ce ce besoin qui l’enrageait contre les fraudes nécessaires, dans sa terreur de l’enfant, et qui lui faisait souhaiter ardemment le moyen de se garantir, sans rien sacrifier de ses joies. Elle en était obsédée, elle rêvait des nuits d’impunité, des nuits sans peur, sans contrainte, où elle se donnerait à sa faim et librement, en plein triomphe frénétique de sa victoire sur la nature.

Lorsqu’elle reparla de sa fausse couche, sans avouer l’avortement, Mathieu finit par soupçonner la vérité.

« Le pis est, mon bon ami, que cette fausse couche m’a toute détraquée. Il a fallu me mettre entre les mains d’un médecin, et j’ai trouvé heureusement, dans mon quartier, un jeune homme très doux, très convenable, oh ! tout à fait inconnu, un de ces médecins comme il y en a tant, mais que j’ai préféré à une célébrité, parce que je n’en fais qu’à ma tête, avec lui, et que je suis plus sûre du secret, personne ne le remarquant, lorsqu’il vient chez moi. Voilà donc près de trois mois qu’il me soigne, et il n’est pas rassurant, il prétend qu’au moindre rapport, je puis désormais redevenir enceinte, quelque chose de là-dedans s’étant déplacé, ayant descendu je crois. Me voyez-vous sous cette continuelle menace ? C’est à ne plus oser embrasser un homme. Alors, mon petit médecin m’a bien parlé d’une opération, mais j’en ai une peur, une peur atroce ! »