Page:Zola - Fécondité.djvu/403

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avait pris Mathieu à part, car il flairait en lui un témoin possible, si l’affaire se gâtait. Et il lui expliqua l’opération, l’ablation de tout l’organe par la voie naturelle, en coupant les liens, ce qui ne demandait pas trois minutes. Seulement, il y avait toujours un grand danger d’hémorragie. Aussi n’avait-il voulu employer que des pinces neuves, pour pincer les artères, dont la cicatrisation s’obtient par écrasement. Il s’était servi de huit pinces, il avait eu même la précaution de s’assurer, le soir, qu’elles restaient bien en place, contrôlant, comptant les petits manches qui sortaient ; et, voyez la malchance ! L’une d’elles s’était détachée pendant la nuit, le ressort ayant cédé, sans doute par un défaut de fabrication ; car c’était là son unique remords, le regret maintenant d’avoir employé des pinces neuves, dont il ne pouvait répondre, puni précisément de trop de zèle. Puis, il avait fallu le lourd sommeil de la garde, la faiblesse de l’opérée qui n’avait pas même dû sentir couler tout son sang, qui était certainement morte, comme on s’endort, dans une grande douceur. Et il jura encore, d’un air de tranquille audace, que l’organe gravide, lourd et dur, aurait trompé tout autre de ses confrères, devant les affirmations si nettes de la jeune personne, dont les prétendues souffrances avaient un accent déchirant de vérité.

« Oh ! je suis bien tranquille, murmura-t-il, et la baronne de Lowicz qui est là, me couvre d’ailleurs complètement, car elle a menti, elle aussi, avec son histoire d’une nièce que les parents lui envoyaient de province. On peut me dénoncer, je suis prêt à répondre… Une opération magnifique, une complète réussite, que mon maître Gaude m’aurait enviée ! »

Il restait livide pourtant, son mufle nerveusement contracté, ses gros yeux gris brûlant d’une sourde exaspération contre le sort. La destinée s’acharnait, il n’avait