Page:Zola - Fécondité.djvu/406

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l’enfant, d’une pâleur de cire, tout le sang de son corps s’en étant allé par la criminelle blessure, reposait parmi le flot déroulé de ses cheveux bruns. Sa face ronde et fraîche d’une amabilité si gaie, si enflammée d’un désir de luxe et de plaisir, quand elle vivait, avait pris dans la mort une gravité terrible, un regret désespéré de tout ce qu’elle quittait si affreusement. Elle était morte, et elle était seule, sans une âme près d’elle, sans un cierge. On avait simplement remonté le drap jusqu’à son menton, de même que, pour toute toilette à la chambre, on s’était contente de laver, sous le lit, le flot de sang qui avait coulé traversant le matelas. Et cette grande tache humide sur le plancher mal essuyé et rougeâtre encore, disait l’effroyable drame.

Trébuchant, ivre de douleur, Morange s’était arrêté. Valérie, Reine, laquelle des deux ? Il le savait bien, que la mère était ressuscitée dans la fille, qu’elle était revenue ainsi pour revivre un peu encore de son existence de tendresse avec lui ; il le savait bien qu’elles n’avaient jamais fait qu’une même femme, et cela était prouvé désormais, puisque voilà la fille qui s’en allait comme la mère. Refleurie un instant en sa beauté, au clair soleil, elle rentrait dans la mort, par la même abominable porte. Deux fois on l’avait assassinée. Maintenant, c’était fini, elle ne reviendrait plus. Et lui, le misérable, il subissait cette torture qu’aucun homme n’a connue, celle de perdre deux fois la femme adorée, d’assister deux fois à la souillure atroce, à la tempête de honte et de crime qui emportait son cœur.

Il tomba sur les genoux, il pleura sans fin, et, comme Mathieu voulait le relever, il murmura, d’une voix basse, à peine distincte :

« Non, non, laissez-moi, c’est fini… Elles sont parties l’une après l’autre, et moi seul suis coupable. Autrefois, j’avais menti à Reine, en lui disant que sa mère était