Page:Zola - Fécondité.djvu/428

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glacée, noyée dans le flot décoloré de ses cheveux ; tandis que ses yeux, d’un bleu si vague, restaient obstinément fixés au plafond, d’un air de résolution farouche. Lorsqu’elle avait vu entrer sa mère et le docteur Boutan, son regard s’était assombri d’une ombre d’affreuse souffrance ; mais rien d’elle n’avait remué, le léger souffle de sa maigre poitrine ne soulevait même pas le drap ; et, pendant plusieurs minutes, elle s’était refusée à répondre, le visage mort.

« Vous êtes donc malade, ma chère enfant ? Votre maman vient de me dire que vous n’aviez pas voulu vous lever ce matin… Où souffrez-vous ? »

Elle resta morte, sans une parole, sans un mouvement.

« Voyons, ce serait très laid d’inquiéter ainsi vos parents, en vous entêtant à ne pas me donner les moyens de vous soulager.. Soyez gentille, dites-moi ce que vous avez. Est-ce le ventre qui vous fait du mal ? »

Elle resta morte, sans desserrer les lèvres, sans bouger un doigt.

« Décidément, je vous croyais plus raisonnable, vous nous causez beaucoup de peine à tous… Il faut pourtant que je sache, pour vous guérir. »

Et, cette fois, comme il s’avançait, faisant mine de lui dégager et de lui prendre une main, elle eut un tel frémissement de révolte, elle serra si étroitement la couverture autour de son cou, qu’il dut renoncer à lui tâter le pouls, ne voulant pas la violenter.

Valentine, qui attendait, silencieuse, se fâcha.

« En vérité ma chérie, tu abuses de notre patience, ça devient fou, et je vais finir par appeler ton père, pour qu’il te corrige… Depuis ce matin, tu te cramponnes à ton lit, tu ne veux pas même nous raconter ce qu’il t’arrive. Parle au moins, explique-nous ton affaire, que nous sachions à quoi nous en tenir… As-tu à te plaindre de quelqu’un ? »