Page:Zola - Fécondité.djvu/473

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ne poussait plus. D’ailleurs, il tenait sa vengeance, cette enclave dont il laissait les maigres champs incultes, pour protester contre le domaine voisin, qu’elle coupait, qu’elle salissait. Cela le rendait ironique.

« Alors, reprit-il, avec sa goguenardise vaniteuse, nous aussi nous allons à Paris… Tenez ! nous allons y installer ce monsieur-là. »

Et il désignait son fils Antonin, âgé de dix-huit ans, un grand garçon roux, qui avait la tête longue de son père, mais aveulie, semée déjà de quelques poils d’une barbe rare et décolorée. Il était habillé en citadin, chapeau de soie, gants, cravate d’un bleu vif. Après avoir étonné Janville par ses succès scolaires, il venait de montrer une telle répugnance pour tout travail manuel, que son père s’était décidé à faire de lui, comme il le disait, un Parisien.

« C’est donc résolu, votre parti est définitif ? demanda obligeamment Mathieu, qui était au courant.

— Eh ! oui, pourquoi voulez-vous que je le force à suer sang et eau, sans le moindre espoir de s’enrichir ? Ni mon père ni moi n’avons jamais pu mettre un sou de côté, avec ce damné moulin dont les meules se pourrissent plus qu’elles n’écrasent de farine. De même, d’ailleurs, que nos champs de misère produisent plus de cailloux que d’écus. Alors, puisque le voilà un savant, qu’il fasse donc à sa tête, qu’il aille à Paris tenter la fortune ! Il n’y a que la ville pour se débrouiller. »

Mme  Lepailleur, qui ne quittait pas des yeux son fils, en admiration devant lui, comme autrefois elle l’était devant son mari, dit à son tour d’une mine béate :

« Oui, oui, il a une place de clerc, chez Me Rousselet, l’avoué… Nous lui avons loué une petite chambre, je suis allée m’occuper des meubles, du linge ; et c’est le grand jour, aujourd’hui, il y couchera ce soir, après que nous aurons tous les trois dîné dans un