Page:Zola - Fécondité.djvu/477

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plus femme. Mais c’est une petite bête, elle est comme un mouton. J’en suis malade parfois, tant sa douceur me porte sur les nerfs. »

Et elle finissait par monter en voiture, elle serrait la main de Marianne, lorsqu’elle la vit enceinte.

« Vrai ! je perds la tête. Moi qui ne vous demande pas des nouvelles de votre santé !… Vous êtes à votre huitième mois, n’est-ce pas ? Et ça fera votre onzième enfant. C’est terrible, terrible ! Enfin, puisque ça vous réussit… Ah ! ces pauvres gens que vous allez voir, là-haut ! En voilà dont la maison va rester vide ! »

Quand le coupé fut parti, Mathieu et Marianne songèrent qu’ils devraient, avant de monter, passer par le pavillon, où leurs enfants leur donneraient peut-être quelque renseignement utile. Mais ni Blaise ni Charlotte ne s’y trouvaient. Ils n’y rencontrèrent que la bonne, qui gardait la fillette, Berthe. Cette bonne n’avait pas même, depuis la veille, revu Monsieur, resté là-haut près du corps. Quant à Madame, elle y était aussi montée, dès le matin, et elle avait même donné l’ordre qu’on lui amenât Berthe, vers midi, à l’heure de la tétée, pour qu’elle n’eût pas la peine de redescendre, tant elle désirait ne pas perdre une minute. Et, comme Marianne, surprise, la questionnait :

« Madame a pris sa boîte, expliqua la bonne. Je crois qu’elle fait le portrait de ce pauvre jeune homme qui est mort. »

En traversant la cour de l’usine, Mathieu et Marianne eurent le cœur serré par le grand silence de tombe qui régnait là, dans cette vaste ville du travail, si retentissante d’ordinaire. La mort avait brusquement passé, et toute cette vie ardente s’était arrêtée d’un coup, les machines refroidies et muettes, les ateliers silencieux et déserts. Plus un bruit, plus une âme, plus un souffle de cette vapeur qui était comme l’haleine même de la maison.