Page:Zola - Fécondité.djvu/489

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un peu plus du vaste monde, si pauvrement peuplé encore, si mal utilisé pour le bonheur. Au milieu du domaine, la ferme avait poussé, grandi, ainsi qu’une ville prospère, avec sa population, son personnel, ses bêtes, tout un foyer de vie ardente, triomphante. Et quelle souveraine puissance, cette fécondité heureuse qui ne s’était pas lassée d’engendrer, ces créatures et ces choses pullulantes depuis douze ans, cette ville envahissante qui n’était que l’expansion d’une famille, ces arbres, ces plantes, ces blés, ces fruits, dont le flot nourricier montait sans cesse, sous l’éclatant soleil ! Toutes les douleurs et toutes les larmes étaient oubliées, dans cette joie de la création, l’œuvre faite, l’avenir conquis, ouvrant l’infini de l’action.

Puis, pendant que Mathieu terminait sa conquête, Marianne, au cours de ces deux années, eut le bonheur de voir naître une fille de son fils Blaise, lorsqu’elle-même était enceinte, près d’enfanter encore. C’était l’arbre puissant dont les branches commençaient à se bifurquer, pour se multiplier ensuite sans fin, tel qu’un grand chêne royal couvrant au loin le sol. Les enfants de ses enfants, les enfants de ses petits-enfants, toute la descendance, de plus en plus élargie, à travers les générations, se mettait en marche. Et, de quelle main soigneuse et tendre, elle rassemblait encore, autour d’elle, les onze de la nichée première, depuis les deux aînés, les jumeaux Blaise et Denis, qui avaient vingt et un ans déjà, jusqu’au dernier venu, une frêle créature à peine existante dont les lèvres goulues la buvaient jusqu’au sang ! Dans sa nichée, il y en avait de tout âge, un grand qui était père lui-même, d’autres qui allaient aux écoles, d’autres qu’il fallait culotter le matin, il y avait des garçons, Ambroise, Gervais, Grégoire, Nicolas, il y avait des filles, Rose, bientôt bonne à marier, Claire, Louise, Madeleine, Marguerite, celle-ci qui marchait à peine. Et il fallait les