Page:Zola - Fécondité.djvu/495

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suis convaincue que votre rôle, là-dedans, a été tout amical, même affectueux pour moi dans la crainte de quelque scandale qui aurait pu m’atteindre. D’ailleurs, vous le pensez bien, je ne récrimine pas sur une trahison si ancienne. Mon désir est simplement d’être renseignée. Longtemps je n’ai pas voulu approfondir les dénonciations qui m’ont mise au courant. Aujourd’hui, cette chose me revient, m’obsède, et il est bien naturel que je m’adresse à vous, car je n’en ai jamais soufflé mot à mon mari, je croirais très mauvais pour notre tranquillité de lui arracher une confession, des détails, toute l’irréparable faute. Enfin, ce qui achève de me décider, c’est le souvenir de notre rencontre, le jour où j’ai accompagné Mme  Angelin chez la sage femme de la rue de Miromesnil, et où je vous ai aperçu, avec cette fille, qui avait de nouveau un enfant au bras… Vous l’avez donc revue, vous devez savoir ce qu’elle devient, si son premier enfant vit encore, et, dans ce cas, où il est, ce qu’il fait. »

Il ne répondit toujours pas. La fièvre dont il la voyait peu à peu brûler le mettait en garde, lui faisait chercher le motif d’une si étrange démarche, de la part de cette femme si fière, si discrète d’habitude. Que se passait-il donc ? Pourquoi s’efforçait elle de ramener à des confidences, dont il ne pouvait prévoir les résultats ? Puis, comme elle le dévisageait, le fouillait de ses yeux aigus, il chercha de bonnes paroles évasives.

« Vous m’embarrassez beaucoup. Et, d’ailleurs, je ne sais rien qui puisse vous intéresser… Pour votre mari, pour vous plus encore à quoi vous servirait de remuer ce passé lointain ?… Croyez-moi oubliez ce qu’on a pu vous dire, vous qui avez tant de raison tant de sagesse… »

Elle l’interrompit, elle lui saisit les mains, les garda dans les siennes, d’une étreinte chaude et tremblante. Jamais elle n’avait eu ce geste, d’une passion qui s’oubliait, qui se livrait.