Page:Zola - Fécondité.djvu/524

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des commissionnaires en marchandises les plus riches de Paris. Depuis trois années, le vieillard fort âgé, solide encore, dirigeant toujours sa maison avec une flamme de jeunesse, s’était pris d’une tendresse peu à peu croissante pour ce garçon admirablement doué, en qui s’embrasait le génie du commerce. Il n’avait eu que deux filles, l’une morte de bonne heure, l’autre mariée à un fou, qui s’était logé une balle dans la tête, en la laissant détraquée elle-même, sans enfant. Ainsi s’expliquait l’intérêt passionné de grand-père que du Hordel témoignait à cet Ambroise, cette merveille qui lui tombait du ciel, le plus beau des Froment, le teint clair, de grands yeux noirs des cheveux bruns naturellement frisés, surtout d’une finesse d’une élégance parfaite. Mais ce qui plus encore l’avait séduit c’était l’extraordinaire esprit d’entreprise du jeune homme, les quatre langues vivantes qu’il parlait comme en se jouant, la maîtrise évidente qu’il apporterait un jour dans la conduite dune maison dont le commerce s’étendait sur les cinq parties du monde. Tout jeune, parmi ses frères et ses sœurs, il était déjà le plus hardi, le séduisant, l’envahissant. Les autres pouvaient être meilleurs, il régnait en joli gamin ambitieux et gourmand le futur homme de joie et de conquête. Et c’était bien cela, le vieux du Hordel conquis en quelques mois, par son charme de victorieuse intelligence, de même qu’il devait conquérir plus tard tout ce qu’il lui plairait de soumettre à sa fortune, les gens comme les choses. Sa force était de plaire et d’agir, de la grâce dans le plus acharné des labeurs.

Vers ce temps, il y eut un rapprochement entre Séguin et son oncle qui ne remettait plus les pieds dans l’hôtel de l’avenue d’Antin, depuis que la démence y soufflait… Et ce fut d’ailleurs à la suite de tout un drame tenu secret, que l’apparente réconciliation se produisit. Endetté maintenant, lâché par Nora qui sentait venir la ruine,