Page:Zola - Fécondité.djvu/531

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Elle retourna, fiévreuse, les yeux mal essuyés, sur le seuil de la boutique, jeta de nouveau, vers l’avenue, son regard passionné d’attente. Et, lorsqu’elle revint, n’ayant rien vu :

« Alors, vous comprenez notre émotion, il y a deux ans, lorsque je suis accouchée d’un garçon encore, à trente-sept ans passés. Nous en étions fous de joie, comme des jeunes mariés. Mais, tout de même, quel souci, quels embarras ! Il a bien fallu l’envoyer aussi en nourrice, puisque nous ne pouvions pas le garder avec nous. Même après avoir juré qu’il n’irait pas à Rougemont, nous avons fini par nous dire que nous connaissions l’endroit, qu’il ne serait pas plus mal là qu’ailleurs. Seulement, je l’ai mis chez la Vimeux ne voulant plus entendre parler de la Loiseau, qui m’avait rendu mon Pierre dans un si bel état. Et, cette fois quand le petit a eu deux ans, je n’ai pas écouté les belles offres, les belles promesses, j’ai voulu qu’on me le ramenât, sans même savoir où je vais le loger… Je l’attends depuis une heure, et je tremble, tant j’ai peur toujours de quelque catastrophe. »

Elle ne pouvait plus rester dans la boutique, elle se tint à la porte, le cou tendu, les yeux fixés là-bas, au coin de la rue. Soudain elle eut un cri profond.

« Ah ! les voilà ! »

Sans hâte, l’air maussade et harassé, la Couteau entra, mit l’enfant endormi sur les bras de Mme Menoux, en disant :

« Je vous réponds qu’il pèse son poids, votre Georges. Celui-là, vous ne direz pas qu’on vous le rend à l’état de squelette. »

Frémissante, les jambes cassées par la joie, la mère avait dû s’asseoir, gardant le petit sur les genoux, le baisant, l’examinant, ayant hâte de voir s’il se portait bien, s’il vivrait. Il avait une grosse face un peu pâle, il semblait