Page:Zola - Fécondité.djvu/569

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vie ayant cessé. Et ils étaient là, effarés, écrasés, les autres enfants : le petit Nicolas qui ne comprenait pas encore, Grégoire, le page de la veille ; les trois demoiselles d’apparat, Louise, Madeleine et Marguerite ; les plus grands, les plus frappés, Claire et Gervais. Mais il y en avait d’autres par les chemins, les aînés Blaise, Denis, Ambroise, qui roulaient vers Paris à ce moment même, ignorant l’imprévu, l’effroyable coup de hache qui s’abattait sur la famille. Où la nouvelle terrible les rattraperait-elle ? Dans quelle cruelle détresse reviendraient-ils ? Et ce médecin qui allait accourir ! Et, tout d’un coup, au milieu de la confusion terrifiée des premières minutes, éclatèrent les cris de Frédéric, le fiancé, hurlant son désastre. Il devenait fou, il voulait se tuer, en disant qu’il était l’assassin, qu’il aurait dû empêcher Rose de rentrer sous l’orage. On l’écarta, il fallut l’emmener de la ferme, dans la crainte de quelque nouveau malheur. Sa subite démence avait rompu les cœurs, les sanglots coulèrent, il y eut une lamentation des misérables parents, des frères, des sœurs, de tout Chantebled foudroyé, que la mort, pour la première fois, visitait.

Rose, grand Dieu ! sur ce lit de deuil, blanche, froide morte ! La plus jolie, la plus gaie, la plus aimée ! Celle devant qui tous les autres étaient en admiration, en fierté, en amour ! Et cela dans un tel espoir de longue vie et de solide bonheur, dix jours avant le mariage, le lendemain même de cette belle journée de gaieté folle, ou elle avait tant plaisanté, tant ri ! On la revoyait si vivante si adorable, avec ses imaginations de grande enfant heureuse, ses réceptions princières, son royal cortège. Les deux prochains mariages, célébrés ensemble, c’était comme la floraison même du bonheur constant, la longue prospérité de la famille épanouie en une suprême joie. Jusque-là, sans doute, on avait peiné souvent, pleuré parfois ; mais on s’était serré, consolé, les uns contre les