Page:Zola - Fécondité.djvu/586

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Et toujours rien, pas un bruit, l’humide souffle des ténèbres montait seul, comme du lourd silence d’une tombe. Alors, il prit un parti violent.

« Je vais descendre, il faut que je trouve Bonnard… Nous voyez-vous, là-bas, au fond ?… Non, non ! on ne peut accepter ça. Et puis, je veux qu’il la ferme, sa trappe, ou bien qu’il reprenne son poste… Qu’est-ce qu’il fiche ? Où peut-il être ? »

Déjà, il s’était engagé dans un petit escalier tournant, qui desservait tous les étages, le long du monte-charge, lorsqu’il cria encore, d’une voix peu à peu perdue :

« Je vous en prie, madame, attendez-moi, restez là, pour avertir si quelqu’un passait. »

Constance était seule. Le roulement sourd de l’averse continuait contre les vitres, mais un peu de jour livide renaissait, sous la rafale qui emportait la nuée. Et voilà que, dans cette pâle lumière Blaise apparut, au bout de la galerie. Il rentrait, il venait de laisser un instant les deux autres, pour descendre aux ateliers, en quête d’un renseignement, dont ils avaient besoin. Préoccupé, tout à l’œuvre qui le reprenait, il s’avançait la tête un peu basse d’un pas tranquille. Et, quand elle le vit apparaître, elle eut seulement au cœur la cuisson de la rancune, la colère avivée de ce qu’elle avait appris ce traité qu’on signerait le lendemain et qui la dépouillerait. C’était l’ennemi, chez elle, contre elle, qu’un soulèvement de tout son être aurait voulu exterminer, jeter dehors, ainsi qu’un usurpateur de ruse et de mensonge.

Il avançait. Elle se trouvait dans l’ombre épaisse, près du mur, de sorte qu’il ne pouvait la voir. Mais elle, à mesure qu’il approchait doucement, le voyait avec une netteté singulière, baigné de clarté grise. Jamais elle n’avait senti à ce point la puissance de son front, l’intelligence de ses yeux, la volonté ferme de sa bouche. Et, brusquement, le fait la frappa d’une fulgurante certitude :