Page:Zola - Fécondité.djvu/595

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qui respirait toujours d’un petit souffle. Ensuite, éperdument, il lui baisa encore la main, il partit.

Constance s’occupait, appelait la femme de chambre, désireuse d’avoir de l’eau tiède, afin de laver le front ensanglanté du mourant. On ne pouvait songer à lui retirer sa jaquette, on se contenta de l’arranger le plus proprement possible, en attendant le médecin. Et, pendant ces apprêts, Beauchêne revint à l’accident, le discuta de nouveau, obsédé, hors de lui.

« Comprend-on ça ! Faut-il qu’il y ait des fatalités imbéciles !… En bas, une courroie de transmission qui se déplace, qui empêche le mécanicien de faire remonter la trappe. En haut, Bonnard qui se fâche, qui appelle, qui se décide à descendre, furieux, en voyant qu’on ne lui répond pas. Et puis, Morange qui arrive, qui se fâche aussi, qui descend à son tour, exaspéré d’appeler Bonnard sans recevoir de réponse. Et, alors, Blaise qui arrive, qui tombe… Ce pauvre Bonnard ! il sanglote, il voulait se tuer, quand il a vu son chef-d’œuvre. »

Tout d’un coup, il s’interrompit, pour demander à Constance :

« Dis donc, et toi, là-dedans ?… Morange m’a dit qu’il t’avait laissée en haut, près de la trappe. »

Elle était debout devant lui, en plein dans le jour de la fenêtre. Elle n’eut que son battement, que son petit tic nerveux qui tordit légèrement le coin gauche de sa bouche.

« Moi, mais j’avais pris le corridor, j’étais rentrée tout de suite ici… Morange le sait bien. »

Depuis un instant, Morange, les jambes cassées, anéanti, s’était laissé tomber sur une chaise. Incapable d’aider en rien, il se taisait, il attendait la fin des choses. Quand il entendit Constance mentir avec cette tranquillité, il la regarda. C’était elle, l’assassine, il n’en doutait plus. Et il eut, à cette seconde, le besoin de le dire, de le crier tout haut.