Page:Zola - Fécondité.djvu/600

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Avec une obstination douce, elle marchait toujours vers l’escalier.

« Il n’y a que moi pour lui dire des choses, je t’assure. J’aurai la force. »

Et, tout d’un coup, elle défaillit, elle eut une syncope. Il fallut la coucher sur un canapé du salon. Puis, comme elle revenait à elle, toute blanche, la face convulsée, elle fut prise de vomissements terribles, une crise dont la violence lui arrachait les entrailles…

Alors, en voyant Constance qui s’empressait d’un air d’inquiète sollicitude, sonnant sa femme de chambre, se faisant apporter sa petite pharmacie, Mathieu avoua la vérité, que le ménage n’avait point dite encore.

« Elle est enceinte, oui ! de quatre mois, de la même époque que Charlotte. À son âge, à quarante-trois ans, elle en est un peu confuse, nous n’en parlions pas… Ah ! la chère femme, si vaillante, elle qui voulait éviter un coup trop violent à sa belle-fille, pourvu qu’elle n’y succombe pas elle-même ! »

Enceinte, grand Dieu ! Constance avait reçu la nouvelle, comme le coup de massue qui achève la déroute. Alors, si elle laissait Denis se tuer maintenant, un autre Froment poussait encore, qui le remplacerait ? Et toujours un autre, et toujours un autre, à l’infini ! C’était un pullulement de force, de vie intarissable, contre lequel toute lutte devenait impossible. Dans sa stupeur que la brèche, aussitôt ouverte, fût réparée ainsi, elle sentit la misérable impuissance, le néant de sa stérilité. Et elle fut vaincue, prise d’une terreur sacrée, comme balayée elle-même, emportée par le débordement victorieux de cette fécondité sans fin.