Page:Zola - Fécondité.djvu/608

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et Marianne s’étaient aperçus que le garçon tournait autour de Claire, comme si, à défaut de l’aînée, il voulait bien de la cadette moins belle, mais solide et bonne ménagère. D’abord, ils en avaient éprouvé une tristesse : pouvait-on oublier leur chère enfant ?

Ensuite, un attendrissement leur était venu, la pensée que le lien de la famille serait resserré encore, que le cœur de ce garçon n’irait point aimer autre part, leur resterait acquis, en leur devenant deux fois cher. Et ils fermaient les yeux, ils souriaient trouvant en Frédéric le beau-frère associé dont Gervais avait besoin, attendant que Claire fût d’âge à être mariée.

Mais, comme la question de la table était réglée, il y eut sous le chêne, à travers l’herbe haute, une brusque invasion, des jupes volantes, des chevelures dénouées dans le soleil.

« Oh ! criait Louise, il n’y a pas de roses ! »

— Non ! répétait Madeleine, pas une rose blanche !

— Et, confirmait Marguerite, nous avons visité tous les rosiers. Pas une blanche, rien que des rouges ! »

Treize ans, onze ans et neuf ans. Louise, forte et gaie, semblait déjà une petite femme. Madeleine, fluette, jolie, passait des heures à son piano, les yeux noyés de rêve.

Marguerite, le nez trop fort, la bouche épaisse, avec d’admirables cheveux dorés ramassait les oiseaux l’hiver, pour les réchauffer dans ses mains tièdes. Et toutes trois, qui avaient battu le potager où les fleurs se mêlaient aux légumes, accouraient ainsi, désespérées de leurs recherches vaines. Pas de roses blanches pour une noce, c’était la fin de tout. Qu’allait-on offrir à la mariée ? Que mettrait-on sur la table ? Derrière les trois filles, Grégoire, dont les quinze ans poussaient en terrible malice, venait de paraître goguenard, les mains dans ses poches. Il était le turbulent, l’inquiétant de la famille, toujours en inventions diaboliques.