Page:Zola - Fécondité.djvu/624

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il y eut une acclamation, une tempête de bons rires. Tous deux étaient des héros qui avaient mené leur existence dans un grand mouvement d’héroïsme, grâce à leur foi en la vie, grâce à leur volonté d’agir, à leur puissance d’aimer. Et Constance le sentit enfin, comprenant la force conquérante de la fécondité, voyant déjà les Froment maîtres de l’usine par Denis, maîtres de l’hôtel des Séguin par Ambroise, maîtres de toute la contrée par leurs autres enfants. C’était le nombre, c’était la victoire. Et, réduite, consumée d’une tendresse qu’elle ne pouvait plus contenter, se rassasiant de l’amertume de sa défaite, tout en espérant encore quelque abominable revanche du destin, elle se détourna pour cacher les deux grosses larmes ardentes qui brûlaient ses joues desséchées, elle qui ne pleurait jamais.

Benjamin et Guillaume tétaient toujours, en petits hommes goulus que rien ne dérangeait de leur repas. Marianne venait de changer le premier de sein. Charlotte surveillait l’autre, pour qu’il ne la mordît pas trop fort. Si l’on avait moins ri, on aurait entendu le ruissellement du lait, ce petit ruisseau dans le torrent de la sève qui soulevait la terre, qui faisait frémir les grands arbres, au puissant soleil de juillet. De toutes parts, la vie féconde charriait les germes, créait, enfantait, nourrissait. Et, pour l’éternelle œuvre de vie, l’éternel fleuve de lait coulait par le monde.