Page:Zola - Fécondité.djvu/642

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pour se chauffer, pas une pomme de terre pour se nourrir. Et les pauvres petits là-dedans, mon Dieu ! des enfants en tas dans la vermine, sans souliers, sans vêtements, poussant pour la prison et l’échafaud, quand la phtisie ne les tue pas ! »

Elle frissonna, elle ferma les yeux, afin d’échapper à la terrifiante évocation des misères, des hontes, des crimes, qu’elle coudoyait, dans ses continuelles courses au travers de cet enfer de la maternité pauvre, de la prostitution et de la faim. Elle en revenait pas, muette, n’osant tout dire, ayant touché le fond de l’abomination humaine. Parfois, elle tremblait, elle regardait le ciel, en se demandant quel cataclysme vengeur allait engloutir la cité maudite.

« Ah ! murmura-t-elle encore, ils souffrent tant, que leurs fautes leur soient pardonnées ! »

Hébété, Moineaud l’écoutait, sans avoir l’air de comprendre. Il retira péniblement sa pipe de la bouche, car ce geste lui demandait un effort considérable, lui qui, pendant cinquante années, s’était battu contre le fer, à l’étau et sur l’enclume.

« Il n’y a que la bonne conduite, bégaya-t-il sourdement. Quand on travaille, on est récompensé. »

Mais, lorsqu’il voulut remettre sa pipe à ses lèvres, il ne le put. Sa main, ankylosée par l’outil, tremblait trop. Et il fallut que Norine se levât, pour l’aider.

« Ce pauvre père ! dit Cécile, qui n’avait pas interrompu son travail, découpant le carton des boîtes. Que serait-il devenu, si nous ne l’avions pas recueilli ? Ce n’est pas Irma, avec ses chapeaux et ses robes de soie, qui l’aurait voulu chez elle. »

Cependant, le petit garçon de Norine, depuis que Mme Angelin se trouvait là, s’était planté devant elle, car il savait bien que, les jours ou la bonne dame était venue, on avait le soir du dessert. Il souriait, les yeux