Page:Zola - Fécondité.djvu/643

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clairs, dans sa jolie face blonde, aux cheveux de soleil ébouriffés… Et, quand elle remarqua de quel regard amusé il attendait qu’elle ouvrît son sac, elle fut prise d’un attendrissement.

« Viens m’embrasser, mon petit ami. »

Elle n’avait pas de plus douce récompense que ce baiser des enfants, dans les maisons pauvres où elle portait un peu de joie. Ses yeux se remplirent de larmes, lorsque le petit lui eut sauté gaillardement au cou, et elle répéta, s’adressant à la mère :

« Non, non, ne vous plaignez pas, il y en a de plus malheureuses que vous… J’en connais une qui, pour avoir ce mignon bien à elle, tout à elle, accepterait vraiment votre misère, et ces boîtes à coller du matin au soir, et cette vie de recluse dans cette pauvre et unique pièce, qu’il suffit à emplir de soleil… Ah ! grand Dieu ! si vous vouliez, si nous pouvions changer ! »

Un instant, elle se tut, craignant d’éclater en sanglots. C’était sa plaie éternellement rouverte, l’enfant d’abord remis à plus tard, puis l’enfant tant désiré, et qui n’était jamais venu. Les époux vieillissaient maintenant dans une solitude amère, occupant trois étroites pièces sur une cour, rue de Lille, vivant ainsi à l’écart, grâce aux appointements de dame déléguée, joints à ce qu’ils avaient pu sauver de leur fortune. Complètement aveugle, l’ancien peintre éventailliste, si triomphant, n’était plus qu’une chose, une pauvre chose douloureuse que sa femme asseyait le matin dans un fauteuil, qu’elle y retrouvait le soir, quand elle rentrait de ses continuelles courses au travers des misères affreuses, des mères coupables, des enfants martyrs. Il ne pouvait ni manger ni se coucher sans elle, il n’avait plus qu’elle, il était son enfant, comme il le disait avec une ironie désespérée, qui les faisait pleurer tous les deux. Un enfant ? mais elle avait fini par en avoir un, et c’était lui ! Un vieil enfant de