Page:Zola - Fécondité.djvu/644

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désastre, qui, à moins de cinquante ans, paraissait en avoir quatre-vingts, rêvant de soleil dans son éternelle nuit noire, pendant les longues heures qu’il devait passer seul. Et elle n’enviait pas seulement son petit garçon à cette ouvrière pauvre, elle lui enviait aussi ce vieillard fumant sa pipe, cet infirme du travail, qui lui au moins voyait clair, vivait encore.

« Ne tourmente pas madame, dit à son fils Norine, inquiète, émue de la sentir troublée, le cœur si gros. Va jouer. »

Elle savait, par Mathieu, un peu de l’histoire. Elle avait pour sa bienfaitrice une reconnaissance, une sorte de respect passionné, qui la rendait timide, déférente, chaque fois qu’elle la voyait venir ainsi, grande, distinguée, toujours vêtue de noir, avec les restes de sa beauté, ruinée par les larmes, à quarante-six ans à peine. C’était pour elle comme une reine déchue dans d’effroyables et injustes douleurs.

« Va, va jouer, mon chéri. Tu fatigues madame.

— Me fatiguer, oh ! non ! cria Mme Angelin, victorieuse de son émotion. Il me fait du bien au contraire… Embrasse-moi, embrasse-moi encore, mon bel enfant. »

Puis, elle s’agita, elle se reprit.

« Voyons, je m’attarde, et j’ai tant de courses, avant ce soir !… Voici ce que je puis faire pour vous. »

Mais, au moment où elle tirait enfin une pièce d’or de son petit sac, il y eut un coup de poing donné dans la porte. Et Norine pâlit affreusement : elle avait reconnu le coup de poing d’Alexandre.

Que faire ? Si elle n’ouvrait pas, le bandit continuerait à frapper, soulèverait un scandale. Elle dut ouvrir, et les choses n’eurent rien de la violence tragique qu’elle redoutait. Surpris de trouver là cette dame, Alexandre ne desserra même pas les lèvres, se glissa, resta debout contre un mur. L’inspectrice avait levé, puis détourné les yeux, comprenant que ce garçon,