Page:Zola - Fécondité.djvu/656

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rencontrait avec elle, et il a répondu que, pour ne pas me la donner, il la jetterait plutôt à la rivière.

— Tu vois bien, conclut Mathieu. C’est entendu, n’est-ce pas ? Je compte sur ta sagesse. »

Ils battirent les champs, jusqu’à la route de Mareuil. À droite, à gauche, des couvées de jeunes perdreaux se levaient, d’un vol encore hésitant. La chasse serait belle. Et, comme ils revenaient, le pas ralenti, il y eut un long silence. Tous deux réfléchissaient.

« Je ne veux pas de malentendu entre nous, mon garçon, recommença tout d’un coup Mathieu. Ne va pas t’imaginer que je t’empêcherai de te marier à ta guise et que j’exigerai pour toi une héritière. Notre pauvre Blaise avait épousé une fille sans dot. Il en a été de même pour Denis, sans parler de ta sœur Claire, que j’ai donnée à Frédéric, un simple valet de notre ferme… Je ne méprise donc pas Thérèse. Je la trouve au contraire charmante, une des plus jolies filles du pays, pas grande, mais si vive, si décidée, avec son petit museau rose, sous la pluie folle de ses cheveux blonds, qu’on la dirait poudrée de toute la farine du moulin.

— N’est-ce pas, père ? interrompit passionnément Grégoire. Et si tu la connaissais, si tendre, si brave ! Elle vaut un homme, elle tiendrait tête au bon Dieu lui-même… Ils ont tort de la gifler, parce que jamais elle n’acceptera cela. Quand elle voudra une chose, elle la fera, et ce n’est pas même moi qui pourrai l’en empêcher. »

Absorbé dans son idée, Mathieu l’entendait à peine.

« Non, non ! reprit-il, je ne le méprise pas, leur moulin. Il faut tout l’entêtement stupide de ce Lepailleur, pour ne pas, aujourd’hui, tirer de son moulin une fortune. Depuis que la culture du blé est redevenue en honneur dans le pays, grâce à notre victoire, il aurait amassé déjà de beaux écus sonnants, s’il avait simplement changé le vieux mécanisme de sa roue, qu’il laisse