Page:Zola - Fécondité.djvu/672

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À l’usine, dans son luxueux hôtel du quai, où elle avait régner en maîtresse souveraine, Constance attendait le destin, depuis douze années déjà, rigide et têtue, au milieu du continuel écroulement de sa vie et de son espoir.

Pendant ces douze ans, Beauchêne avait suivi sa pente, d’une chute fatale. Il était au bas, dans l’abjection dernière. Parti de la simple fête du mari coureur, jeté hors de l’alcôve, tombé aux rencontres du pavé, par la fraude conjugale mutuellement consentie, il en était venu, sous l’habitude de ses gros appétits satisfaits, à ne plus même rentrer chez lui, à vivre chez les filles qui le ramassaient sur le trottoir. Ayant fini par en préférer deux, une tante et une nièce, disaient-elles, il s’était mis avec les deux, il s’achevait aux bras des deux, goulu encore à soixante-cinq ans, pitoyable loque humaine que la mort honteuse guettait, dans un dernier spasme. Et, pour être cette ruine immonde, sa grande fortune avait à peine suffit, l’argent gaspillé d’une main plus large à mesure qu’il vieillissait, des sommes énormes englouties dans des aventures louches, dont il fallait étouffer le scandale. Il était pauvre, il ne touchait qu’une part infime sur les bénéfices sans cesse accrus de l’usine, en continuelle prospérité.

C’était là le désastre dont souffrait l’orgueil inguérissable