Page:Zola - Fécondité.djvu/684

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découverte, par crainte des ennuis inutiles. Simplement, au courant jadis des recherches passionnées de Constance, elle était venue lui conter l’histoire, lasse déjà, retombée à son enfer du désir inassouvi, pas plus satisfaite par le monstre que par le passant de la rue.

« Il ne sait donc rien encore, acheva d’expliquer Constance. Ma belle sœur va me l’envoyer comme à une dame de ses amies, qui lui procurera une bonne place… Il ne demande qu’à travailler, maintenant paraît-il. S’il a commis des fautes, le malheureux a tant d’excuses ! Et, d’ailleurs, dès qu’il sera dans mes mains, je me charge de lui, il ne fera plus que ce que je voudrai. »

Bien que Sérafine eût passé sous silence son aventure personnelle, elle la connaissait assez pour soupçonner à travers quel gouffre elle lui rapportait Alexandre, de ses bras las qui n’étreignaient plus que le vide. Elle avait su d’elle uniquement l’histoire qu’il forgeait, les six années de réclusion qu’il venait de faire pour une femme, la véritable coupable, une maîtresse dont il s’était refusé galamment à livrer le secret. Mais ce n’étaient là que les années connues des douze années déjà de sa disparition, et l’on pouvait tout craindre, la chute aux pires ignominies, aux crimes obscurs, dans le mystère terrifiant des années ignorées. La prison semblait même avoir été pour lui un bon repos, il en était sorti plus calme, affiné, résolu à ne pas gâcher sa vie davantage. Et débarbouillé, nippé, instruit par Sérafine, il était presque devenu un jeune homme présentable.

Morange leva ses gros yeux des braises ardentes, qu’il examinait d’un regard fixe.

« Enfin, que désirez-vous faire de lui ? Sait-il quelque chose au moins ? A-t-il une écriture possible ?

— Oui, son écriture est bonne… Sans doute, il ne sait pas grand-chose. C’est bien pour cela que je vous le donne, à vous. Vous allez me le décrasser, le mettre au courant