Page:Zola - Fécondité.djvu/689

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aimée, tant il y avait d’adoration frémissante dans la voix du vieil ami.

« Oui, oui, je suis heureuse, on va faire la comédie, où je vais… Oh ! c’est amusant d’être heureuse ! »

Elle avait dit ça comme sa Reine, autrefois, l’aurait dit, et il se serait mis à genoux, pour baiser ses petites mains, ainsi qu’à une idole. »

« Mais il faut que vous soyez toujours heureuse… Vous êtes trop belle, je vais vous embrasser.

— Je veux bien, embrassez-moi, monsieur Morange. Ah ! vous savez, la poupée que vous m’avez donnée, elle s’appelle Margot et vous n’avez pas idée comme elle est sage… Venez donc la voir, un jour. »

Il l’avait embrassée, il la regarda s’éloigner dans le jour labels d’hiver, le cœur brûlant, prêt au martyre. Ce serait trop lâche, il fallait que l’enfant fût heureuse. Lentement, il quitta le pont, tandis que les mots revenaient, sonnaient avec une netteté décisive qui exigeait une réponse : « Laisserait-il donc s’accomplir ce nouveau crime, sans crier ce qu’il savait ? » Non, non ! c’était impossible, il parlerait, il agirait. Et cela, pourtant, restait encore dans une brume confuse, comment parler, comment agir ? Puis, dès son retour au bureau, pour comble d’extravagance, en rupture définitive avec ses habitudes de quarante ans, il se mit à écrire une longue lettre, au lieu de se replonger immédiatement dans ses interminables additions. Cette lettre, qu’il adressait à Mathieu racontait toute l’aventure, la résurrection d’Alexandre, les projets de Constance, le service que lui-même avait accepté de rendre. D’ailleurs, ces choses étaient jetées au courant de la plume, comme une confession dont il soulageait son cœur, mais sans qu’il eût adopté lui-même un parti, dans ce rôle de justicier, si lourd à ses épaules. Mathieu prévenu, ils seraient deux à vouloir. Et il finissait simplement en le