Page:Zola - Fécondité.djvu/690

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priant de venir le lendemain, pas avant six heures, car il désirait connaître Alexandre, savoir comment l’entrevue se serait passée et ce que Constance aurait exigé de lui.

La nuit suivante, la journée du lendemain durent être abominables. La concierge raconta plus tard que le locataire du quatrième n’avait pas cessé, la nuit entière, d’entendre Morange marcher au-dessus de sa tête. Les portes battaient, il roulait les meubles, comme pour un déménagement. On croyait même avoir surpris des cris, des sanglots, le monologue d’un fou s’adressant à des ombres, quelque frissonnante cérémonie d’un dévot rendant son culte mystérieux aux mortes qui le hantaient. Et, pendant la journée, à l’usine, il donna des signes inquiétants de sa détresse, du flot d’ombre où son esprit achevait de sombrer, les regards troubles, torturés de combats intérieurs qui, dix fois, sans motifs le firent descendre, s’oublier devant les machines en marche, puis remonter à ses additions, l’air éperdu de ne point trouver la chose qu’il cherchait si douloureusement. Quand la nuit tomba, vers quatre heures, par ce sombre jour d’hiver, les deux employés qu’il avait avec lui dans son bureau, remarquèrent qu’il cessait tout travail. Dès lors, il attendit, le regard fixé sur la pendule. Et, lorsque cinq heures sonnèrent, il s’assura une dernière fois qu’un total était bien exact, se leva et sortit, en laissant le registre grand ouvert, comme s’il devait revenir vérifier l’addition suivante.

Morange suivit la galerie où débouchait le couloir qui reliait aux ateliers l’hôtel voisin. À cette heure, toute l’usine était éclairée, des lampes électriques y jetaient une clarté de plein jour, tandis que le branle du travail montait, secouait les murs, dans le grondement des machines. Et, avant d’arriver au couloir, brusquement, devant lui, il aperçut le monte-charge, le trou terrible,