Page:Zola - Fécondité.djvu/707

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haute taille maigre ; et il devait en outre y guetter les prétextes de querelles possibles, car ce fut lui, dans une de ces promenades d’insolente provocation, qui fit la découverte d’un empiétement de la ferme, si aggravé par ses commentaires, si gros de conséquences désastreuses, que le long bonheur des Froment s’en trouva un instant détruit.

Grégoire était, en affaires, d’une rudesse d’homme sanguin, qui s’entêtait à ne jamais rien lâcher de son droit. Lorsque son beau-père vint lui conter que la ferme, impudemment, avait défriché près de trois hectares de ses landes, sans doute avec l’intention de continuer cette belle manœuvre de voleur, si on ne l’arrêtait pas. Il voulut tout de suite étudier le cas, n’admettant point qu’on l’envahit de la sorte. Le malheur fut alors qu’on ne retrouva pas les bornes. Aussi la ferme pouvait-elle soutenir qu’elle s’était trompée de bonne foi, ou même qu’elle était restée dans ses limites. Mais Lepailleur affirmait rageusement le contraire, précisait traçait avec un bâton la ligne frontière, en jurant qu’elle était exacte, à dix centimètres près. Et les choses achevèrent de se gâter à la suite d’une explication entre les deux frères, Gervais et Grégoire, au cours de laquelle ce dernier s’emporta, prononça des paroles impardonnables. Le lendemain, il rompit, il fit un procès. Aussitôt, Gervais répondit par la menace de ne plus envoyer un seul grain de blé au moulin, et cette rupture de toute affaire était un échec grave, car la clientèle de Chantebled avait réellement fait la prospérité de la minoterie nouvelle. Dès ce moment, la situation empira chaque jour, toute conciliation devint impossible d’autant plus que, chargé de trouver un terrain d’entente, Ambroise à son tour se passionna, finit simplement par mécontenter les deux parties. La guerre fratricide élargissait son exécrable ravage, ils étaient trois frères maintenant à se battre. Et