Page:Zola - Fécondité.djvu/719

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Il la regardait toujours, il dit en la quittant, avec l’indulgence de son optimisme :

« Bonne chance encore, puisque vous êtes heureuse. Le bonheur doit savoir ce qu’il fait. »

Mais Mathieu resta troublé, le cœur défaillant, à la pensée des injustices apparentes de l’impassible nature. Le souvenir de sa Marianne lui revenait, frappée d’un si lourd chagrin, succombant sous la querelle impie de ses fils. Et, comme Ambroise rentrait enfin, l’embrassait gaiement, après avoir reçu les remerciements de Céleste, il fut pris d’une grande angoisse, à cette minute décisive qui allait décider, selon son cœur, du salut fraternel de la famille.

D’ailleurs, ce fut prompt. Denis, qui s’était d’abord invité à déjeuner, avec le père, entama carrément la question, sans attendre.

« Nous ne sommes pas ici pour l’unique plaisir de déjeuner avec toi… Maman est malade, le sais-tu ?

— Malade, dit Ambroise, pas sérieusement malade ?

— Si, très malade, en danger… Et sais-tu qu’elle est malade depuis le jour où elle est venue te parler de la querelle entre Grégoire et Gervais, et où, paraît-il, tu l’aurais presque brutalisée ?

— Moi, je l’aurais brutalisée ! Nous avons causé affaires, je lui ai peut-être répondu en homme d’affaires, un peu rudement. »

Il se tourna vers Mathieu, qui attendait, silencieux et pâle.

« C’est vrai, ça, père, maman souffre et te donne des inquiétudes ? »

Et, comme le père disait oui, d’un long signe de tête, Ambroise se récria d’émotion, ainsi que Denis l’avait fait, à l’usine, dès le premier mot de vérité.

« Ah ! mais, ça devient stupide, cette histoire ! Pour