Page:Zola - Fécondité.djvu/720

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moi, Grégoire a raison contre Gervais. Seulement, je m’en moque, il faut qu’ils s’embrassent, si cela doit éviter une minute de souffrance à cette pauvre maman… Aussi pourquoi vous êtes-vous enfermés, pourquoi n’avez-vous pas crié votre gros chagrin ? On aurait réfléchi, on aurait compris. »

Tout d’un coup, il embrassa son père, avec cette soudaineté de décision qui était sa grande force, dans son négoce, lorsque la clarté du vrai l’avait illuminé.

« Et puis, c’est encore toi le plus malin, c’est toi qui sais et qui prévois… Même si Grégoire est en droit de faire un procès à Gervais, il serait imbécile qu’il le fît, parce que, bien au-dessus de ce petit intérêt particulier, il y a notre intérêt à tous, l’intérêt de la famille qui est de rester unie, compacte, inattaquable, si elle veut rester invincible. Notre souveraine puissance est dans notre solidarité… Alors, c’est bien simple. Nous allons déjeuner vivement, et nous prenons le train, Denis et moi nous t’accompagnons à Chantebled. Il faut que, ce soir, la paix soit faite… Je m’en charge. »

Mathieu, riant, heureux de se retrouver enfin dans ses fils, lui avait gaiement rendu son embrassade. Et, avant que le déjeuner fût servi, on descendit voir le jardin d’hiver, qu’Ambroise faisait agrandir, pour donner des fêtes. Il se plaisait à enrichir encore l’hôtel, à y régner avec un éclat de prince fastueux. Puis, au déjeuner, il s’excusa de recevoir en garçon, malgré l’excellence de la table, car il gardait une cuisinière, durant les absences d’Andrée et des enfants par une horreur raisonnée des cuisines du dehors.

« Oh ! moi, dit simplement Denis, depuis que Marthe et toute la bande sont à Dieppe, l’hôtel est fermé, je mange au restaurant.

— C’est que tu es un sage, répondit Ambroise de son air de tranquille franchise. Moi, tu sais bien que je suis