Page:Zola - Fécondité.djvu/759

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au chiffre actuel, en admettant simplement des échanges de peuple à peuple, des capitales mourant sur place, comme sont mortes Babylone, Ninive, Memphis, tandis que d’autres reines du monde héritent, renaissantes, florissantes, de civilisations nouvelles, sans que jamais le nombre des âmes puisse désormais s’accroître ! C’est là l’hypothèse de la mort, car rien ne reste stationnaire, ce qui ne croît plus décroît et disparaît. La vie est la marée montante dont le flot chaque jour continue la création, achève l’œuvre du bonheur attendu, quand les temps seront accomplis. Le flux et le reflux des peuples ne sont que les périodes de la marche en avant ; les grands siècles lumière emportés, remplacés par des siècles noirs, marquent uniquement les étapes. Toujours un nouveau pas est fait, un peu plus de la terre conquis, un peu plus de la vie mis en œuvre. La loi semble être le double phénomène de la fécondité qui fait la civilisation et de la civilisation qui restreint la fécondité. Et l’équilibre en naîtra, le jour où la terre entièrement habitée défrichée, utilisée, aura rempli son destin. Et le divin rêve, l’utopie généreuse vole à plein ciel, la famille fondue dans la nation, la nation fondue dans l’humanité, un seul peuple fraternel faisant du monde une cité unique de paix, de vérité et de justice. Ah ! que l’éternelle fécondité monte toujours, que la semence humaine soit emportée par-dessus les frontières, aille peupler au loin les déserts incultes, élargisse l’humanité dans les siècles à venir, jusqu’au règne de la vie souveraine, maîtresse enfin du temps et de l’espace !

Et, après le départ de Benjamin, emmené par Dominique, Mathieu et Marianne retrouvèrent la grande joie de leur enfantement, la grande paix de leur œuvre achevée, prodigue, inépuisable. Ils n’avaient plus rien à eux, rien que le bonheur d’avoir tout donné à la vie. Le jamais-plus de la séparation devenait le toujours-davantage de la vie