Page:Zola - Germinal.djvu/116

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
116
LES ROUGON-MACQUART.

chez celle-là, parce que c’était propre. Sans doute qu’on ne leur racontait pas les histoires avec le maître-porion. On peut bien être propre, quand on a des amoureux qui gagnent trois mille francs, logés, chauffés, sans compter les cadeaux. Si c’était propre dessus, ce n’était guère propre dessous. Et, tout le temps que les visiteurs restèrent en face, elles en dégoisèrent.

— Les voilà qui sortent, dit enfin la Levaque. Ils font le tour… Regarde donc, ma chère, je crois qu’ils vont chez toi.

La Maheude fut prise de peur. Qui sait si Alzire avait donné un coup d’éponge à la table ? Et sa soupe, à elle aussi, qui n’était pas prête ! Elle balbutia un « au revoir », elle se sauva, filant, rentrant, sans un coup d’œil de côté.

Mais tout reluisait. Alzire, très sérieuse, un torchon devant elle, s’était mise à faire la soupe, en voyant que sa mère ne revenait pas. Elle avait arraché les derniers poireaux du jardin, cueilli de l’oseille, et elle nettoyait précisément les légumes, pendant que, sur le feu, dans un grand chaudron, chauffait l’eau pour le bain des hommes, quand ils allaient rentrer. Henry et Lénore étaient sages par hasard, très occupés à déchirer un vieil almanach. Le père Bonnemort fumait silencieusement sa pipe.

Comme la Maheude soufflait, madame Hennebeau frappa.

— Vous permettez, n’est-ce pas ? ma brave femme.

Grande, blonde, un peu alourdie dans la maturité superbe de la quarantaine, elle souriait avec un effort d’affabilité, sans laisser trop paraître la crainte de tacher sa toilette de soie bronze, drapée d’une mante de velours noir.

— Entrez, entrez, répétait-elle à ses invités. Nous ne gênons personne… Hein ? est-ce propre encore ? et cette