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GERMINAL.

rage du logeur à bêcher, il n’aurait guère poussé là que des orties. Et la conversation s’engagea, par dessus le treillage. Levaque, délassé et excité d’avoir tapé sur sa femme, tâcha vainement d’entraîner Maheu chez Rasseneur. Voyons, est-ce qu’une chope l’effrayait ? On ferait une partie de quilles, on flânerait un instant avec les camarades, puis on rentrerait dîner. C’était la vie, après la sortie de la fosse. Sans doute il n’y avait pas de mal à cela, mais Maheu s’entêtait : s’il ne repiquait pas ses laitues, elles seraient fanées le lendemain. Au fond, il refusait par sagesse, ne voulant point demander un liard à sa femme sur le reste des cent sous.

Cinq heures sonnaient, lorsque la Pierronne vint savoir si c’était avec Jeanlin que sa Lydie avait filé. Levaque répondit que ça devait être quelque chose comme ça, car Bébert, lui aussi, avait disparu ; et ces galopins gourgandinaient toujours ensemble. Quand Maheu les eut tranquillisés, en parlant de la salade de pissenlits, lui et le camarade se mirent à attaquer la jeune femme, avec une crudité de bons diables. Elle s’en fâchait, mais ne s’en allait pas, chatouillée au fond par les gros mots, qui la faisaient crier, les mains au ventre. Il arriva à son secours une femme maigre, dont la colère bégayante ressemblait à un gloussement de poule. D’autres, au loin, sur les portes, s’effarouchaient de confiance. Maintenant, l’école était fermée, toute la marmaille traînait, c’était un grouillement de petits êtres piaulant, se roulant, se battant ; tandis que les pères, qui n’étaient pas à l’estaminet, restaient par groupes de trois ou quatre, accroupis sur leurs talons comme au fond de la mine, fumant des pipes avec des paroles rares, à l’abri d’un mur. La Pierronne partit furieuse, lorsque Levaque voulut tâter si elle avait la cuisse ferme ; et il se décida lui-même à se rendre seul chez Rasseneur, pendant que Maheu plantait toujours.