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LES ROUGON-MACQUART.

pas une lanterne ne luisait encore, il s’arrêta un moment, pour voir la sortie des ouvriers à la journée. Sans doute six heures sonnaient, des moulineurs, des chargeurs à l’accrochage, des palefreniers s’en allaient par bandes, mêlés aux filles du criblage, vagues et rieuses dans l’ombre.

D’abord, ce furent la Brûlé et son gendre Pierron. Elle le querellait, parce qu’il ne l’avait pas soutenue, dans une contestation avec un surveillant, pour son compte de pierres.

— Oh ! sacrée chiffe, va ! s’il est permis d’être un homme et de s’aplatir comme ça devant un de ces salops qui nous mangent !

Pierron la suivait paisiblement, sans répondre. Il finit par dire :

— Fallait peut-être sauter sur le chef. Merci ! pour avoir des ennuis !

— Tends le derrière, alors ! cria-t-elle. Ah ! nom de Dieu ! si ma fille m’avait écoutée !… Ça ne suffit donc pas qu’ils m’aient tué le père, tu voudrais peut-être que je dise merci. Non, vois-tu, j’aurai leur peau !

Les voix se perdirent, Étienne la regarda disparaître, avec son nez d’aigle, ses cheveux blancs envolés, ses longs bras maigres qui gesticulaient furieusement. Mais, derrière lui, la conversation de deux jeunes gens lui fit prêter l’oreille. Il avait reconnu Zacharie, qui attendait là, et que son ami Mouquet venait d’aborder.

— Arrives-tu ? demanda celui-ci. Nous mangeons une tartine, puis nous filons au Volcan.

— Tout à l’heure, j’ai affaire.

— Quoi donc ?

Le moulineur se tourna et aperçut Philomène qui sortait du criblage. Il crut comprendre.

— Ah ! bon, c’est ça… Alors, je pars devant.

— Oui, je te rattraperai.