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LES ROUGON-MACQUART.

Sa femme avait couché là ! Quand il eut poussé le verrou, il rouvrit la main, il regarda le flacon, qui s’était marqué en rouge dans sa chair. Brusquement, il voyait, il entendait, cette ordure se passait chez lui depuis des mois. Il se rappelait son ancien soupçon, les frôlements contre les portes, les pieds nus s’en allant la nuit par la maison silencieuse. Oui, c’était sa femme qui montait coucher là !

Tombé sur une chaise, en face du lit qu’il contemplait fixement, il demeura de longues minutes comme assommé. Un bruit le réveilla, on frappait à la porte, on essayait d’ouvrir. Il reconnut la voix du domestique.

— Monsieur… Ah ! monsieur s’est enfermé…

— Quoi encore ?

— Il paraît que ça presse, les ouvriers cassent tout. Deux autres hommes sont en bas. Il y a aussi des dépêches.

— Fichez-moi la paix ! dans un instant !

L’idée qu’Hippolyte aurait découvert lui-même le flacon, s’il avait fait la chambre le matin, venait de le glacer. Et, d’ailleurs, ce domestique devait savoir, il avait trouvé vingt fois le lit chaud encore de l’adultère, des cheveux de madame traînant sur l’oreiller, des traces abominables souillant les linges. S’il s’acharnait à le déranger, c’était méchamment. Peut-être était-il demeuré l’oreille collé à la porte, excité par la débauche de ses maîtres.

Alors, M. Hennebeau ne bougea plus. Il regardait toujours le lit. Le long passé de souffrance se déroulait, son mariage avec cette femme, leur malentendu immédiat de cœur et de chair, les amants qu’elle avait eus sans qu’il s’en doutât, celui qu’il lui avait toléré pendant dix ans, comme on tolère un goût immonde à une malade. Puis, c’était leur arrivée à Montsou, un espoir fou de la guérir, des mois d’alanguissement, d’exil ensom-