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LES ROUGON-MACQUART.

de promettre que monsieur passerait au coron avant la nuit, et la mère guettait, debout devant la fenêtre ; tandis que la petite malade, qui avait voulu descendre, grelottait sur une chaise, avec l’illusion qu’il faisait meilleur là, près du fourneau refroidi. Le vieux Bonnemort, en face, les jambes reprises, semblait dormir. Ni Lénore ni Henri n’étaient rentrés, battant les routes en compagnie de Jeanlin, pour demander des sous. Au travers de la pièce nue, Maheu seul marchait pesamment, butait à chaque tour contre le mur, de l’air stupide d’une bête qui ne voit plus sa cage. Le pétrole aussi était fini ; mais le reflet de la neige, au dehors, restait si blanc, qu’il éclairait vaguement la pièce, malgré la nuit tombée.

Il y eut un bruit de sabots, et la Levaque poussa la porte en coup de vent, hors d’elle, criant dès le seuil à la Maheude :

— Alors, c’est toi qui as dit que je forçais mon logeur à me donner vingt sous, quand il couchait avec moi !

L’autre haussa les épaules.

— Tu m’embêtes, je n’ai rien dit… D’abord, qui t’a dit ça ?

— On m’a dit que tu l’as dit, tu n’as pas besoin de savoir… Même tu as dit que tu nous entendais bien faire nos saletés derrière ta cloison, et que la crasse s’amassait chez nous parce que j’étais toujours sur le dos… Dis encore que tu ne l’as pas dit, hein !

Chaque jour, des querelles éclataient, à la suite du continuel bavardage des femmes. Entre les ménages surtout qui logeaient porte à porte, les brouilles et les réconciliations étaient quotidiennes. Mais jamais une méchanceté si aigre ne les avait jetés les uns sur les autres. Depuis la grève, la faim exaspérait les rancunes, on avait le besoin de cogner : une explication entre deux commères finissait par une tuerie entre les deux hommes.