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LES ROUGON-MACQUART.

s’ouvrit. Mais ce n’était point le docteur Vanderhaghen, ils reconnurent le nouveau curé, l’abbé Ranvier, qui ne parut pas surpris de tomber dans cette maison morte, sans lumière, sans feu, sans pain. Déjà, il sortait de trois autres maisons voisines, allant de famille en famille, racolant des hommes de bonne volonté, ainsi que Dansaert avec ses gendarmes ; et, tout de suite, il expliqua, de sa voix fiévreuse de sectaire.

— Pourquoi n’êtes-vous pas venus à la messe dimanche, mes enfants ? Vous avez tort, l’Église seule peut vous sauver… Voyons, promettez-moi de venir dimanche prochain.

Maheu, après l’avoir regardé, s’était remis en marche, pesamment, sans une parole. Ce fut la Maheude qui répondit.

— À la messe, monsieur le curé, pourquoi faire ? Est-ce que le bon Dieu ne se moque pas de nous ?… Tenez ! qu’est-ce que lui a fait ma petite, qui est là, à trembler la fièvre ? Nous n’avions pas assez de misère, n’est-ce pas ? il fallait qu’il me la rendît malade, lorsque je ne puis seulement lui donner une tasse de tisane chaude.

Alors, debout, le prêtre parla longuement. Il exploitait la grève, cette misère affreuse, cette rancune exaspérée de la faim, avec l’ardeur d’un missionnaire qui prêche des sauvages, pour la gloire de sa religion. Il disait que l’Église était avec les pauvres, qu’elle ferait un jour triompher la justice, en appelant la colère de Dieu sur les iniquités des riches. Et ce jour luirait bientôt, car les riches avaient pris la place de Dieu, en étaient arrivés à gouverner sans Dieu, dans leur vol impie du pouvoir. Mais, si les ouvriers voulaient le juste partage des biens de la terre, ils devaient s’en remettre tout de suite aux mains des prêtres, comme à la mort de Jésus les petits et les humbles s’étaient groupés autour des apôtres. Quelle force aurait le pape, de quelle armée dispo-