Page:Zola - Germinal.djvu/529

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
529
GERMINAL.

cloisons fendues des goyots, s’enchevêtrant avec les guidonnages arrachés de la pompe. Comme il regardait longuement, le cœur serré, le hurlement cessa tout d’un coup. Sans doute, devant la crue rapide, les misérables venaient de fuir dans les galeries, si le flot ne leur avait pas déjà empli la bouche.

Négrel dut se résigner à tirer la corde du signal, pour qu’on le remontât. Puis, il se fit arrêter de nouveau. Une stupeur lui restait, celle de cet accident si brusque, dont il ne comprenait pas la cause. Il désirait se rendre compte, il examina les quelques pièces du cuvelage qui tenaient bon. À distance, des déchirures, des entailles dans le bois l’avaient surpris. Sa lampe agonisait, noyée d’humidité, et il toucha de ses doigts, il reconnut très nettement des coups de scie, des coups de vilebrequin, tout un travail abominable de destruction. Évidemment, on avait voulu cette catastrophe. Il demeurait béant, les pièces craquèrent, s’abîmèrent avec leurs cadres, dans un dernier glissement qui faillit l’emporter lui-même. Sa bravoure s’en était allée, l’idée de l’homme qui avait fait ça dressait ses cheveux, le glaçait de la peur religieuse du mal, comme si, mêlé aux ténèbres, l’homme eût encore été là, énorme, pour son forfait démesuré. Il cria, il agita le signal d’une main furieuse ; et il était grand temps d’ailleurs, car il s’aperçut, cent mètres plus haut, que le cuvelage supérieur se mettait à son tour en mouvement : les joints s’ouvraient, perdaient leur brandissage d’étoupe, lâchaient des ruisseaux. Ce n’était à présent qu’une question d’heures, le puits achèverait de se décuveler, et s’écroulerait.

Au jour, M. Hennebeau anxieux attendait Négrel.

— Eh bien ! quoi ? demanda-t-il.

Mais l’ingénieur, étranglé, ne parlait point. Il défaillait.

— Ce n’est pas possible, jamais on n’a vu ça… As-tu examiné ?