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GERMINAL.

fuite. Des détonations souterraines éclataient, toute une artillerie monstrueuse canonnant le gouffre. À la surface, les dernières constructions se culbutaient, s’écrasaient. D’abord, une sorte de tourbillon emporta les débris du criblage et de la salle de recette. Le bâtiment des chaudières creva ensuite, disparut. Puis, ce fut la tourelle carrée où râlait la pompe d’épuisement, qui tomba sur la face, ainsi qu’un homme fauché par un boulet. Et l’on vit alors une effrayante chose, on vit la machine, disloquée sur son massif, les membres écartelés, lutter contre la mort : elle marcha, elle détendit sa bielle, son genou de géante, comme pour se lever ; mais elle expirait, broyée, engloutie. Seule, la haute cheminée de trente mètres restait debout, secouée, pareille à un mât dans l’ouragan. On croyait qu’elle allait s’émietter et voler en poudre, lorsque, tout d’un coup, elle s’enfonça d’un bloc, bue par la terre, fondue ainsi qu’un cierge colossal ; et rien ne dépassait, pas même la pointe du paratonnerre. C’était fini, la bête mauvaise, accroupie dans ce creux, gorgée de chair humaine, ne soufflait plus de son haleine grosse et longue. Tout entier, le Voreux venait de couler à l’abîme.

Hurlante, la foule se sauva. Des femmes couraient en se cachant les yeux. L’épouvante roula des hommes comme un tas de feuilles sèches. On ne voulait pas crier, et on criait, la gorge enflée, les bras en l’air, devant l’immense trou qui s’était creusé. Ce cratère de volcan éteint, profond de quinze mètres, s’étendait de la route au canal, sur une largeur de quarante mètres au moins. Tout le carreau de la mine y avait suivi les bâtiments, les tréteaux gigantesques, les passerelles avec leurs rails, un train complet de berlines, trois wagons ; sans compter la provision des bois, une futaie de perches coupées, avalées comme des pailles. Au fond, on ne distinguait plus qu’un gâchis de poutres, de briques, de fer, de plâtre, d’affreux restes