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GERMINAL.

fement croissait, l’air refoulé par l’eau se comprimait dans l’espèce de cloche où ils se trouvaient enfermés. Leur voix, assourdie, paraissait venir de très loin. Des bourdonnements d’oreilles se déclarèrent, ils entendaient les volées d’un tocsin furieux, le galop d’un troupeau sous une averse de grêle, interminable.

D’abord, Catherine souffrit horriblement de la faim. Elle portait à sa gorge ses pauvres mains crispées, elle avait de grands souffles creux, une plainte continue, déchirante, comme si une tenaille lui eût arraché l’estomac. Étienne, étranglé par la même torture, tâtonnait fiévreusement dans l’obscurité, lorsque, près de lui, ses doigts rencontrèrent une pièce du boisage, à moitié pourrie, que ses ongles émiettaient. Et il en donna une poignée à la herscheuse, qui l’engloutit goulûment. Durant deux journées, ils vécurent de ce bois vermoulu, ils le dévorèrent tout entier, désespérés de l’avoir fini, s’écorchant à vouloir entamer les autres, solides encore, et dont les fibres résistaient. Leur supplice augmenta, ils s’enrageaient de ne pouvoir mâcher la toile de leurs vêtements. Une ceinture de cuir qui le serrait à la taille les soulagea un peu. Il en coupa de petits morceaux avec les dents, et elle les broyait, s’acharnait à les avaler. Cela occupait leurs mâchoires, leur donnait l’illusion qu’ils mangeaient. Puis, quand la ceinture fut achevée, ils se remirent à la toile, la suçant pendant des heures.

Mais, bientôt, ces crises violentes se calmèrent, la faim ne fut plus qu’une douleur profonde, sourde, l’évanouissement même, lent et progressif, de leurs forces. Sans doute, ils auraient succombé, s’ils n’avaient pas eu de l’eau, tant qu’ils en voulaient. Ils se baissaient simplement, buvaient dans le creux de leur main ; et cela à vingt reprises, brûlés d’une telle soif, que toute cette eau ne pouvait l’étancher.

Le septième jour, Catherine se penchait pour boire,