Page:Zola - L'Assommoir.djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
100
LES ROUGON-MACQUART.

colonne, M. Madinier songea à faire une galanterie aux dames ; il leur offrit de monter dans la colonne, pour voir Paris. Son offre parut très farce. Oui, oui, il fallait monter, on en rirait longtemps. D’ailleurs, ça ne manquait pas d’intérêt pour les personnes qui n’avaient jamais quitté le plancher aux vaches.

— Si vous croyez que la Banban va se risquer là-dedans, avec sa quille ! murmurait madame Lorilleux.

— Moi, je monterais volontiers, disait madame Lerat, mais je ne veux pas qu’il y ait d’homme derrière moi.

Et la noce monta. Dans l’étroite spirale de l’escalier, les douze grimpaient à la file, butant contre les marches usées, se tenant aux murs. Puis, quand l’obscurité devint complète, ce fut une bosse de rires. Les dames poussaient de petits cris. Les messieurs les chatouillaient, leur pinçaient les jambes. Mais elles étaient bien bêtes de causer ! on a l’air de croire que ce sont des souris. D’ailleurs, ça restait sans conséquence ; ils savaient s’arrêter où il fallait, pour l’honnêteté. Puis, Boche trouva une plaisanterie que toute la société répéta. On appelait madame Gaudron, comme si elle était restée en chemin, et on lui demandait si son ventre passait. Songez donc ! si elle s’était trouvée prise là, sans pouvoir monter ni descendre, elle aurait bouché le trou, on n’aurait jamais su comment s’en aller. Et l’on riait de ce ventre de femme enceinte, avec une gaieté formidable qui secouait la colonne. Ensuite, Boche, tout à fait lancé, déclara qu’on se faisait vieux, dans ce tuyau de cheminée ; ça ne finissait donc pas, on allait donc au ciel ? Et il cherchait à effrayer les dames, en criant que ça remuait. Cependant, Coupeau ne disait rien ; il venait derrière Gervaise, la tenait à la taille, la sentait