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L’ASSOMMOIR.

Elle refusait de parler, elle n’avait rien du tout, disait-elle. Mais, comme elle mettait la table à l’envers, s’arrêtant avec les assiettes pour tomber dans de grosses réflexions, son mari voulut absolument savoir.

— Eh bien ! voilà, finit-elle par avouer, la boutique du petit mercier, rue de la Goutte-d’Or, est à louer… J’ai vu ça, il y a une heure, en allant acheter du fil. Ça m’a donné un coup.

C’était une boutique très propre, juste dans la grande maison où ils rêvaient d’habiter autrefois. Il y avait la boutique, une arrière-boutique, avec deux autres chambres, à droite et à gauche ; enfin, ce qu’il leur fallait, les pièces un peu petites, mais bien distribuées. Seulement, elle trouvait ça trop cher : le propriétaire parlait de cinq cents francs.

— Tu as donc visité et demandé le prix ? dit Coupeau.

— Oh ! tu sais, par curiosité ! répondit-elle, en affectant un air d’indifférence. On cherche, on entre à tous les écriteaux, ça n’engage à rien… Mais celle-là est trop chère, décidément. Puis, ce serait peut-être une bêtise de m’établir.

Cependant, après le dîner, elle revint à la boutique du mercier. Elle dessina les lieux, sur la marge d’un journal. Et, peu à peu, elle en causait, mesurait les coins, arrangeait les pièces, comme si elle avait dû, dès le lendemain, y caser ses meubles. Alors, Coupeau la poussa à louer, en voyant sa grande envie ; pour sûr, elle ne trouverait rien de propre, à moins de cinq cents francs ; d’ailleurs, on obtiendrait peut-être une diminution. La seule chose ennuyeuse, c’était d’aller habiter la maison des Lorilleux, qu’elle ne pouvait pas souffrir. Mais elle se fâcha, elle ne détestait personne ; dans le feu de son désir, elle défendit même