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L’ASSOMOIR.

ment, il lui aurait planté ses cisailles dans le ventre.

Les Boche, pourtant, juges sévères des querelles de la maison, donnaient tort aux Lorilleux. Sans doute, les Lorilleux étaient des personnes comme il faut, tranquilles, travaillant toute la sainte journée, payant régulièrement leur terme recta. Mais là, franchement, la jalousie les enrageait. Avec ça, ils auraient tondu un œuf. Des pingres, quoi ! des gens qui cachaient leur litre, quand on montait, pour ne pas offrir un verre de vin ; enfin, du monde pas propre. Un jour, Gervaise venait de payer aux Boche du cassis avec de l’eau de Seltz, qu’on buvait dans la loge, quand madame Lorilleux était passée, très raide, en affectant de cracher devant la porte des concierges. Et, depuis lors, chaque samedi, madame Boche, lorsqu’elle balayait les escaliers et les couloirs, laissait des ordures devant la porte des Lorilleux.

— Parbleu ! criait madame Lorilleux, la Banban les gorge, ces goinfres ! Ah ! ils sont bien tous les mêmes !… Mais qu’ils ne m’embêtent pas ! J’irais me plaindre au propriétaire… Hier encore, j’ai vu ce sournois de Boche se frotter aux jupes de madame Gaudron. S’attaquer à une femme de cet âge, qui a une demi-douzaine d’enfants, hein ? c’est de la cochonnerie pure !… Encore une saleté de leur part, et je préviens la mère Boche, pour qu’elle flanque une tripotée à son homme… Dame ! on rirait un peu.

Maman Coupeau voyait toujours les deux ménages, disant comme tout le monde, arrivant même à se faire retenir plus souvent à dîner, en écoutant complaisamment sa fille et sa belle-fille, un soir chacune. Madame Lerat, pour le moment, n’allait plus chez les Coupeau, parce qu’elle s’était disputée avec la Banban, au sujet d’un zouave qui venait découper le nez de sa