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LES ROUGON-MACQUART.

votre mère. Et elle ne manquera de rien, et elle aura son café et sa goutte !… Mon Dieu ! quelle sale famille !

Madame Lorilleux, du coup, s’était retournée. Elle brandissait la casserole, comme si elle allait jeter l’eau seconde à la figure de sa belle-sœur. Elle bredouillait :

— Fichez le camp, ou je fais un malheur !… Et ne comptez pas sur les cent sous, parce que je ne donnerai pas un radis ! non pas un radis !… Ah bien ! oui, cent sous ! Maman vous servirait de domestique, et vous vous gobergeriez avec mes cent sous ! Si elle va chez vous, dites-lui ça, elle peut crever, je ne lui enverrai pas un verre d’eau… Allons, houp ! débarrassez le plancher !

— Quel monstre de femme ! dit Gervaise en refermant la porte avec violence.

Dès le lendemain, elle prit maman Coupeau chez elle. Elle mit son lit dans le grand cabinet où couchait Nana, et qui recevait le jour par une lucarne ronde, près du plafond. Le déménagement ne fut pas long, car maman Coupeau, pour tout mobilier, avait ce lit, une vieille armoire de noyer qu’on plaça dans la chambre au linge sale, une table et deux chaises ; on vendit la table, on fit rempailler les deux chaises. Et la vieille femme, le soir même de son installation, donnait un coup de balai, lavait la vaisselle, enfin se rendait utile, bien contente de se tirer d’affaire. Les Lorilleux rageaient à crever, d’autant plus que madame Lerat venait de se remettre avec les Coupeau. Un beau jour, les deux sœurs, la fleuriste et la chaîniste, avaient échangé des torgnoles, au sujet de Gervaise ; la première s’était risquée à approuver la conduite de celle-ci, vis-à-vis de leur mère ; puis, par un besoin de taquinerie, voyant l’autre exaspérée, elle en était arrivée à