Page:Zola - L'Assommoir.djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

VI

Une après-midi d’automne, Gervaise, qui venait de reporter du linge chez une pratique, rue des Portes-Blanches, se trouva dans le bas de la rue des Poissonniers comme le jour tombait. Il avait plu le matin, le temps était très doux, une odeur s’exhalait du pavé gras ; et la blanchisseuse, embarrassée de son grand panier, étouffait un peu, la marche ralentie, le corps abandonné, remontant la rue avec la vague préoccupation d’un désir sensuel, grandi dans sa lassitude. Elle aurait volontiers mangé quelque chose de bon. Alors, en levant les yeux, elle aperçut la plaque de la rue Marcadet, elle eut tout d’un coup l’idée d’aller voir Goujet à sa forge. Vingt fois, il lui avait dit de pousser une pointe, un jour qu’elle serait curieuse de regarder travailler le fer. D’ailleurs, devant les autres ouvriers, elle demanderait Étienne, elle semblerait s’être décidée à entrer uniquement pour le petit.

La fabrique de boulons et de rivets devait se trouver par là, dans ce bout de la rue Marcadet, elle ne savait pas bien où ; d’autant plus que les numéros manquaient souvent, le long des masures espacées par des terrains vagues. C’était une rue où elle n’aurait pas demeuré pour tout l’or du monde, une rue large, sale, noire de la poussière de charbon des manufac-