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L’ASSOMMOIR.

le gros dos ; et elle échangeait seulement un petit signe de tête avec la charbonnière d’à côté, qui se promenait tête nue, la bouche fendue d’une oreille à l’autre, depuis qu’il gelait si fort.

Ce qui était bon surtout, par ces temps de chien, c’était de prendre, à midi, son café bien chaud. Les ouvrières n’avaient pas à se plaindre ; la patronne le faisait très fort et n’y mettait pas quatre grains de chicorée ; il ne ressemblait guère au café de madame Fauconnier, qui était une vraie lavasse. Seulement, quand maman Coupeau se chargeait de passer l’eau sur le marc, ça n’en finissait plus, parce qu’elle s’endormait devant la bouillotte. Alors, les ouvrières, après le déjeuner, attendaient le café en donnant un coup de fer.

Justement, le lendemain des Rois, midi et demi sonnait, que le café n’était pas prêt. Ce jour-là, il s’entêtait à ne pas vouloir passer. Maman Coupeau tapait sur le filtre avec une petite cuiller ; et l’on entendait les gouttes tomber une à une, lentement, sans se presser davantage.

— Laissez-le donc, dit la grande Clémence. Ça le rend trouble… Aujourd’hui, bien sûr, il y aura de quoi boire et manger.

La grande Clémence mettait à neuf une chemise d’homme, dont elle détachait les plis du bout de l’ongle. Elle avait un rhume à crever, les yeux enflés, la gorge arrachée par des quintes de toux qui la pliaient en deux, au bord de l’établi. Avec ça, elle ne portait pas même un foulard au cou, vêtue d’un petit lainage à dix-huit sous, dans lequel elle grelottait. Près d’elle, madame Putois, enveloppée de flanelle, matelassée jusqu’aux oreilles, repassait un jupon, qu’elle tournait autour de la planche à robe, dont le