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L’ASSOMMOIR.

Les ouvrières eurent un rire de complaisance. Puis, toutes burent une petite gorgée de café, d’un air gueulard.

— Vous croyez ça, vous, qu’elle a décroché un enfant ? reprit Clémence.

— Dame ! le bruit a couru dans le quartier, répondit Virginie. Vous comprenez, je n’y étais pas… C’est dans le métier, d’ailleurs. Toutes en décrochent.

— Ah bien ! dit madame Putois, on est trop bête de se confier à elles. Merci, pour se faire estropier !… Voyez-vous, il y a un moyen souverain. Tous les soirs, on avale un verre d’eau bénite en se traçant sur le ventre trois signes de croix avec le pouce. Ça s’en va comme un vent.

Maman Coupeau, qu’on croyait endormie, hocha la tête pour protester. Elle connaissait un autre moyen, infaillible celui-là. Il fallait manger un œuf dur toutes les deux heures et s’appliquer des feuilles d’épinard sur les reins. Les quatre autres femmes restèrent graves. Mais ce louchon d’Augustine, dont les gaietés partaient toutes seules, sans qu’on sût jamais pourquoi, lâcha le gloussement de poule qui était son rire à elle. On l’avait oubliée. Gervaise releva le jupon, l’aperçut sur le drap qui se roulait comme un goret, les jambes en l’air. Et elle la tira de là-dessous, la mit debout d’une claque. Qu’est-ce qu’elle avait à rire, cette dinde ? Est-ce qu’elle devait écouter, quand les grandes personnes causaient ! D’abord, elle allait reporter le linge d’une amie de madame Lerat, aux Batignolles. Tout en parlant, la patronne lui mettait le panier au bras et la poussait vers la porte. Le louchon, rechignant, sanglotant, s’éloigna en traînant les pieds dans la neige.

Cependant, maman Coupeau, madame Putois et